Ce soir là, j’errais dans les rues de Armagh. Je venais de terminer ma garde à la caserne et pour dire vrai, je n’avais pas véritablement envie de rentrer chez moi. Je n’avais pas le cœur à me disputer encore une nouvelle fois avec Sarah, pas le cœur à la voir tant souffrir à mes côtés. Non. Cette situation me pèse de plus en plus, moi qui pensais naïvement que le temps panserait cette blessure béante que la perte de cet enfant avait laissait au sein de mon couple. J’avais tort. Terriblement tort.
Alors j’étais là, à trainer. Comme quand j’étais encore adolescent. Je ne savais pas quoi faire et de toute manière, je n’avais envie de rien. Il faudrait bien que je finisse par rentrer mais je s’accordais un large laps de temps avant cela.

Marchant donc dans la rue piétonne sans aucun but réel, mon attention fut attirée par une jeune femme. Elle était là, au beau milieu de la rue, ne semblant pas avoir peur des voitures car elle ne cherchait pas à les éviter, mais elle avait néanmoins sur le visage un air complètement terrifié. Je s’approchais doucement d’elle et me rendit compte que je ne l’avais jamais vu auparavant. Je pensais alors qu’il s’agissait d’une touriste ou quelqu’un du genre mais au fond de moi, je sentais que ce n’était pas le cas. Elle semblait tellement perdue…et ce pas seulement dans le sens où elle ne savait pas où elle se trouve. Mais dans celui où à la fois elle dévisageait les passants et à la fois elle tentait d’éviter de croiser leurs regards.
Elle était à peine couverte et le vent soufflait, comme chaque soir, relativement fort. La pitié n’a rien à avoir la dedans mais elle me faisait de la peine. Surtout qu’aucun des passants ne s’attardaient auprès d’elle. Ils avaient peur de quoi bordel ? C’est vrai franchement, vous vous voyez une jeune femme, sans doute geler, dehors, ayant l’air perdue et terrorisé, vous restez là sans rien faire ? Et bien sûrement pas moi.

Je continuais à m’avancer doucement, progressivement. Ne savant ce qu’elle avait et la connaissant d’autant moins, je ne voulais pas l’effrayer d’avantage. Là n’était absolument pas mon intention. Bien au contraire.
Etant arrivé à son hauteur, j’aurais voulu lui saisir le poignet et la tirer vers le trottoir, afin qu’elle ne risque pas de se faire renverser, même si la circulation n’était pas d’une grand affluence, mais je me suis dit que ce geste risquerais de lui faire peur. Trop soudain, trop brutal.
Au lieu de ça, je tentais de l’aborder en douceur. « Mademoiselle ? » Elle tourna son visage fin vers le mien. Elle semblait si étonné que je lui adresse la parole, que mon regard reste posé sur elle.