Il fait froid dans cette chambre. C’est vrai, moi la première, je suis étonnée de voir que je peux avoir froid. Je suis toute seule dans cette chambre vide. Seul les meubles et l’éternel bordel de Aaron me tiennent compagnie, pour la énième fois. J’ai débarqué un beau matin dans cette maison familiale il y quelques semaines. Au premier abord, je dois avouer que je ne comprenais pas tout, pour ne pas dire rien. Et puis je me suis souvenue. J’ai hérité d’un prénom, et même d’un nom, sans doute pour passer inaperçue par la suite. Elliah. Elliah Jenny Hawkins. Jolie, n’est-ce pas ? Je me suis également souvenue de ces commandements, ceux que je ne dois en aucun cas enfreindre, ceux des fantômes. Car oui, je suis un fantôme. Etonnant, incroyable, je sais. C’est tellement étrange de se dire que nous ne sommes qu’une création, que nous avons l’apparence de quelqu’un d’une vingtaine d’années (pour moi en l’occurrence) alors que nous n’avons que quelques semaines. En même temps, je ne pense pas avoir jamais été humaine un jour, alors pourquoi trouver cela étrange dans le fond ? Je m’égare.

Cette famille dans laquelle je me suis retrouvé propulsé, j’ai appris à l’aimer. Sincèrement. Après tout, Carrie n’est autre que ma créatrice. Sans, elle, je ne serais pas là. Ce qui me fait un peu plus mal chaque jour par contre, c’est de fuir Aaron. Je sais que lui me voie. A ce jour, il est bien le seul, en tout cas dans l’enceinte de la demeure des Lewis. Vous n’imaginez même pas à quel point j’ai envie de lui parler, de lui crier mon existence, de mêler mes rires aux siens, ma voix à la sienne, ma main à la sienne. N’allez pas penser que je suis amoureuse ou autre baliverne de ce genre, non, j’ai seulement immensément besoin d’un contact physique. Tout le monde mis à part lui me passe littéralement à travers…j’ai besoin qu’il me touche pour me prouver à moi-même ma réelle existence, me prouver que je suis bel et bien réelle. Que je suis vivante. Mais je sais que quoi que je fasse, quoi qu’il advienne, je resterai toujours un fantôme…même si je crois me rappeler de cette histoire de calibre…si je me trompe pas, les fantômes, au fil du temps peuvent en changer…Il reste toujours cette histoire de commandements.

Si je reste assise sur ce lit froid, que je ne suis même pas en mesure de réchauffer avec une quelconque chaleur humaine, c’est que je suis sur le point d’enfreindre plusieurs de ces fameux commandements. Ce soir, à son retour, j’ai bien l’intention de parler à Aaron. De lui prouver mon existence. Le pire c’est que lui-même en doute. Il me prend pour un mirage, se demande même parfois si il ne devient pas fou…je meure tant d’envie de lui prouver que non. Je rêve de donner vie à ses dessins…car oui, il dessine sans cesse, et depuis mon arrivée, j’ai remarqué que mon visage est de plus en plus récurrent. Il m’a seulement vu à plusieurs reprises, en coup de vent..mais il ne m’a pas oublié. Rien que ça, me fait du bien. Me rassure.
Sa y est, je l’entends arriver. Il entre dans sa chambre…il se laisse tomber sur le lit. A l’endroit où j’étais quelques secondes plus tôt. Je n’ai pas eu le cran de le faire…je l’observe à travers son placard…une fois de plus.