Encore une de ses journées où je m’ennuyais déjà fermement, le soleil ayant à peine pointé le bout de son nez. Ne ressentant pas le besoin et de ce fait, ni la nécessité de dormir, les journées étaient doublement longues pour moi. Ce matin, la fenêtre attira mon attention. Je m’en approchais alors pour découvrir la ville totalement couverte d’un manteau blanc. De la neige. Voilà ce qui m’avait été soufflé dans mon esprit. Je savais que c’était froid puisqu’il s’agissait de « glaçons ». Je mourrais d’envie de sortir d’ici, de vraiment découvrir cette neige. Marcher dedans. Et puis j’avais besoin d’air. J’allai réellement finir par étouffer en restant prostré dans cet habitacle.
J’avais trouvé en ce grenier, une sorte de chambre. Plutôt une cachette à vrai dire. Je ne peux pas me permettre de circuler comme je le souhaite dans la maison lorsque Aaron y est. Cela ne me dérange pas plus que ça. Être dans cette pièce me permet un tant soit peu de résister à la tentation de lui parler…de me montrer enfin à lui. Quoiqu’il en soit, pour l’instant je m’accorde une petite sortie bien méritée selon moi. Après tout, qu’est ce que je risque en allant me balader un peu ? La seule et unique personne étant capable de me voir est encore entrain de dormir à point fermé.

L’air frais me fait du bien. Parfois je me demande si c’est normal que je ressente de telles choses, comme la fraicheur. Pourtant, je ne dois pas la ressentir au même degré qu’un humain car tous ceux que je croise sont extrêmement couverts et moi je porte cette éternelle tenue que j’ai depuis mon arrivée. Depuis ma naissance. Un jean et un tee-shirt. Basique, passe partout…ce qui m’importe peu puisqu’on ne peut pas me voir.
Cette neige éclaircie réellement le village, lui donnant un air un peu plus gaie selon moi. Même cette brume épaisse et laiteuse a un certain aspect un peu féerique. Je m’amuse sautiller, à tourner, à lever la tête et à regarder ses flocons tomber. Ils s’approchent de mon visage mais ne s’écrase pas contre celui-ci. J’aimerai pourtant ressentir la neige sur moi. Tant pis. Ce qui m’amusait d’autant plus était le fait que je passais à travers les gens. Le fait de les voir et de savoir que eux, en contre partie, ne me voit absolument pas. Seulement, ce à quoi je ne m’attendais pas du tout, c’était à percuter quelqu’un de plein fouet. Je l’avais vu, je trouvais même que ses yeux brillaient étonnamment avec ce reflet de la neige. Je n’avais pas prit la peine de me décaler, comme avec tout le monde mais nous nous étions touché. « Mais enfin... Vous pouvez pas faire gaffe ? » Mon corps se figea alors. Comment cela était-il possible ? Il me voyait, il pouvait me toucher…je ne comprenais pas. Est-ce que tout le monde pouvait me voir à présent ? Il n’était pas vraiment seul. Un chien l’accompagnait et l’observait. Je l’observais d’avantage, écarquillant les yeux au plus possible. Je m’approchais de lui et tandis une main dans sa direction, j’étais à deux de la poser sur son visage. Je voulais vérifier si je pouvais réellement le toucher moi aussi. Sans m’en rendre compte, ayant tellement l’habitude de parler seule à voix haute, je lui répondis. « Vous me voyez ? »

« Non ne partez pas c'est ridicule. » Me lança t-il tout en posant une de ses mains sur mon épaule. Ce geste, surprenant, me fit sursauter. Je n’avais tellement pas l’habitude d’être touché. Après tout, aujourd’hui était la toute première fois de mon existence. Il allait me falloir du temps pour m’y faire. Et puis étant donné que ce garçon, arrivait à me voir, à me toucher, je me demandais si d’autre, comme lui et Aaron en était capable ? Et aussi pourquoi eux ? Vous l’aurez compris, une multitude de questions se bousculaient dans mon esprit, je pense que nous pouvons dire que c’est assez normal étant donné la situation. Tournant toujours le dos au jeune homme, je me pinçais la lèvre inférieure. Hésitante plus que jamais, je pesais les pours et les contres…oh et puis zut. Ce n’est pas tous les jours qu’on me voit et qu’on me demande de ne pas partir, de « rester » comme il venait de me souffler.

En jetant des coups d’œil par ci, par là autour de moi, je pouvais aisément me rendre compte que le monde affluait. De plus en plus de gens sortaient de chez eux. Sans doute pour aller travailler, ou bien pour aller en cours, pour les enfants. Ces derniers d’ailleurs, étaient la preuve irréfutable que la ville était en proie à être complètement réveillée. Ils couraient partout, se lançant des boules de neige à tout va, savourant cette poudre blanche comme un véritable cadeau. Leurs rires résonnaient sur la place, et sans trop vraiment comprendre pourquoi, ils me firent gagner un certain sourire. Après tout, la vie était peut être belle…Ayant pris ma décision, je posais une main sur celle glacée de l’homme à qui je tournais toujours le dos. Je ne savais même pas si mon corps dégageait ou non une quelconque chaleur, n’ayant jamais eu encore la possibilité de le vérifier. Je me décidais enfin à faire face au brun, ne lâchant pas sa main. Non, je ne voulais pas la lâcher. Elle était un peu comme un lien, comme une preuve véritable de ce qu’il était en train de se produire. « Je reste. » Je sursautais de nouveau avant d’aller me réfugier derrière le jeune homme, contrainte de finalement lâcher sa main, lorsqu’un autre chien s’approcha un peu trop près du sien. Après tout, si lui pouvait me voir et me toucher, les animaux en été peut-être capable eux aussi ? Et puis je dois avouer, que depuis que je suis là, j’ai un peu la trouille lorsque les animaux se manifestent d’une quelconque manière que ce soit. « Havane » Cela devait sans nul doute être le nom de son chien. Est-ce que ce second animal, pouvait lui aussi me voir ? Sa n’avait pas l’air d’être le cas puisqu’il n’avait de yeux que pour le dénommé Havane. Son maître le rappela à l’ordre avant de finalement s’éloigner de nous. Laissant échapper un soupir de ses lèvres, je discernais tout de même un sourire sur le visage du brun. Me sentant un peu, absurde, je lâchais ses épaules et m’éloignais de lui pour lui faire complètement face à nouveau. Encore une fois, un sourire se dessina sur mes lèvres.

Dans un certain élan je saisissais cette main qui m’avait été tendue un peu plus tôt et entrainais le garçon un peu plus loin. Sans vraiment savoir pourquoi, alors que nous courrions, je riais. Bien entendu, je n’avais pas non plus un fou rire mais je riais. Probablement pour la première fois. Les rires et cris des enfants masquèrent quelque peu le mien. De toute manière, personne ne m’entendait mis à part celui que j’avais entrainé dans un endroit un peu plus tranquille selon moi. Nous nous retrouvions à un bout de la place. J’espérais qu’il ait perdu toute perspective d’aller manger quelque chose…Au contraire de lui, je n’étais pas du tout essoufflé. « Au fait, je m’appel Elliah. » Lui dire tout de suite que j’étais un fantôme n’était peut être pas une très bonne idée. Je préférais attendre et voir la suite des événements…